Ressourcé par le Carnot ISIFoR en 2023 le projet BioMét s’attaque à une source de pollution majeure et qui malheureusement le sera encore plus demain : le méthane (CH4). Gaz à effet de serre bien plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2), il est présent et émis par de nombreuses sources (dégradation de déchets, fonte du permafrost, eaux usées…). Utile s’il est récupéré sous sa forme concentrée, il est à combattre lorsqu’il est diffus, notamment dans des espaces clos.
Cécile Hort (enseignante-chercheuse au LaTEP/IPRA – UPPA) et Alberto Vergara-Fernandez (Professeur à l’UAndes – Chili) tentent de répondre à cette problématique à l’aide d’un champignon : le fusarium solani. Pour y parvenir ils utilisent un procédé de biofiltration avec une biomasse fongique : une voie prometteuse qui pourrait être efficace et rentable pour lutter contre cette présence de méthane diffus.
Aujourd’hui ils cherchent à savoir si ce champignon est bien un agent qui biodégrade le méthane. C’est à l’occasion de ce travail que nous les rencontrons ; pour parler des origines du projet et de ses perspectives.
[ISIFoR] BioMét une collaboration internationale dont l’origine se trouve au Mexique
[Cécile Hort] À la fin du siècle dernier, à l’issue de ma thèse, je suis allée travailler au Mexique à l’Instituto Mexicano de Tecnología del Agua (IMTA) sur le traitement des eaux. Dans ce cadre j’ai pu faire de la recherche en collaboration avec le Professeur Sergio Revah** qui est l’un des meilleurs spécialistes au monde des procédés de biofiltration. Ce passage a été très fructueux car en plus des connaissances et des savoir-faire que j’ai pu acquérir, j’ai rencontré de nombreux chercheurs qui venaient de toute l’Amérique centrale et du Sud afin de perfectionner leurs connaissances. C’est un réseau particulièrement riche qui s’est alors constitué et bien des recherches communes ultérieures ce sont nouées à la suite de ces rencontres.
À mon retour en France j’ai postulé à l’UPPA sur le site de Tarbes où j’ai commencé à travailler sur le traitement de l’air par procédé de biofiltration. C’était un domaine qui ne demandait pas de trop gros moyens financiers et de mise en œuvre. Dès ce moment-là il y a eu des échanges avec le Mexique (en l’occurrence avec le Professeur Sergio Revah et son équipe) mais aussi avec des universités plus proches comme l’UPV-EHU*** (Universidad del Pais Vasco avec le Professeur Ana Elias).
[ISIFoR] C’est ainsi que le professeur Alberto Vergara-Fernandez de l’UAndes**** est venu travailler sur ce projet ?
[Cécile Hort] Oui, nous nous connaissions car le Pr Vergara-Fernandez a réalisé sa thèse sous la direction du Professeur Sergio Revah à l’UAM (Mexico). Il s’intéressait particulièrement à la purification de l’air par biofiltration, notamment à l’aide de champignons.
[Alberto Vergara-Fernandez] Les champignons et moi c’est une longue histoire. Je travaille depuis de longues années sur cette thématique avec ceux-ci afin de répondre aux pollutions dues aux hydrocarbures et au chauffage au bois (très présent dans les maisons au Chili). Ces pollutions sont la source de cancers et d’autres maladies neurodégénératives, travailler à lutter contre celles-ci est un enjeu de santé publique important. Dans un tel contexte les champignons peuvent nous apporter leur concours en « agissant » en tant que biopurificateurs*****
[ISIFoR] Pourquoi utiliser un champignon ?
[Cécile Hort] Pour cette recherche, dans le domaine de la biofiltration, on peut utiliser des bactéries ou des champignons. Les bactéries sont plus petites et se développent dans un biofilm, le champignon en ce qui le concerne est capable de se développer dans l’air (pouvant ainsi biodégrader des polluants hydrophobes) et de manière horizontale. Cela nous permet d’obtenir des surfaces d’échange bien plus grandes et donc un transfert de matière plus important entre les polluants et le champignon. Donc une efficacité accrue de la biodégradation, enfin c’est ce que nous espérons ! Le hic c’est que les champignons sont fragiles, ils meurent vite et sont difficiles à conserver.
[Alberto Vergara-Fernandez] C’est vrai, par exemple le champignon que nous avions préparé pour nos manipulations actuelles est mort pendant le transport entre le Chili et la France. C’est le fusarium solani que nous utilisons pour notre protocole, nous en avons fait une nouvelle culture (via des collègues espagnols de l’université de Valladolid) et notre pilote expérimental est à présent prêt pour déterminer si c’est bien lui qui biodégrade le méthane.
[Cécile Hort] C’est important car certains travaux scientifiques ont d’ores et déjà constaté cette biodégradation mais ils ne l’expliquent pas. Aujourd’hui on veut le prouver et c’est que nous faisons en ce moment même. Le méthane est une problématique majeure pour la qualité de l’air et cela ouvre beaucoup de perspectives. Nombre de pathologies actuelles sont liées à la pollution atmosphérique/intérieure et les défis environnementaux liés aux émissions de méthane sont nombreux. C’est ce à quoi nous tentons de répondre, à notre mesure, avec le projet BioMét.
*Procédé de Biofiltration fongique pour l’élimination du Méthane à faible concentration
** Professeur à la UAM – Universidad Autonoma Metropolitana – Cuajimalpa – Mexique
*** UPV-EHU – Universidad del Pais Vasco – Espagne
**** UAndes – Universidad de los Andes – Santiago – Chili
***** Les Pr Vergara-Fernandez et Cécile Hort ont publié un article à ce sujet : San Martin-Davison, J., Scott, F., Vergara-Ojeda, C., Moreno-Casas, P., Hort, C., Vergara-Fernández, A. « A radial-flow device for the biopurification of a model VOC and wood-smoke contaminated confined space », (2024) Journal of Chemical Technology and Biotechnology, 99 (2), pp. 370-380, Doi : 10.1002/jctb.7533