Initié par l’UPPA en 2022, la démarche visant à se servir de la BD et du dessin de presse pour accompagner des événements, des recherches et des projets scientifiques s’est amplifiée à la faveur de son succès. Portée par le label SAPS1 de l’université elle a son actif une dizaine de BD, une cinquantaine d’illustrations, une revue : Ébullition(s) et poursuit un seul objectif : valoriser la recherche tout en la vulgarisant.
En ce qui le concerne, le projet Circuballe2 a pour ambition de transformer la balle de riz (enveloppe généralement ignorée ou brulée qui entoure chaque grain) en de la biohuile (utile pour créer des biocarburants) et en particule de silice (dont se sert l’industrie pour beaucoup d’usages, dont la décontamination de l’eau). Fort de cette démarche vertueuse, plus aucun déchet utilisable n’ayant désormais vocation à être négligé dans notre monde en transition, Brice Bouyssiere a imaginé de transformer ce projet scientifique en Bande Dessinée et en dessins de presse.
Aujourd’hui c’est ce projet, pour partie financé par le Carnot ISIFoR, qui devient cases, bulles, personnages, dialogues et illustrations. À cette occasion, partons à la rencontre de Simon Baert3 qui crée et coordonne certaines bandes dessinées et dessins de presse au sein de l’association L’Encre sympathique4.
[ISIFoR] À l’origine de cette BD sur la balle de riz il y a quoi ou qui ?
[Simon Baert] Si on remonte loin, pour bien poser les choses, on est en 2022 et Brice Bouyssiere, orienté par la librairie Bachi-bouzouk de Pau, contacte notre atelier, car il a une idée. Il veut faire des BD de vulgarisation scientifique sur des travaux de l’UPPA. Il pense en effet que ce médium parle à un large public et permet de toucher des personnes qui n’entendraient pas parler de science autrement.
Il est fan de BD et notre contact est bon dès le départ. Cette rencontre c’est le début d’une aventure dont on ne se serait pas douté qu’elle allait durer aussi longtemps… ni qu’elle pouvait couvrir autant de sujets différents. Au départ, Brice nous a missionnés pour couvrir les journées de la spectrométrie atomique. Plusieurs membres de l’atelier sont donc partis en immersion, en mai 2022, assister à ces journées. De cette immersion est née notre premier projet avec l’UPPA : Une journée à Spectr’atom.
Bon, je ne cacherai pas que c’était impressionnant, une première de mon côté, car pour être tout à fait franc j’étais au niveau zéro de la science, ce monde m’était assez étranger. Je suis un pur produit des sciences humaines, de la sociologie. En même temps, c’était drôlement motivant, je savais que j’allais sur des territoires nouveaux pour moi et cela m’a tout de suite passionné.
[ISIFoR] Comment vous travaillez sur Circuballe ?
[Simon Baert] Pour ce projet, on est en lien avec plusieurs chercheurs de l’UPPA (Brice Bouyssiere, Anne Galarneau5, Vicmary Valentina Vargas Anez et Alba Rodriguez Otero). Je m’occupe du côté écrit, les scénarios (BD et dessin de presse). Pour la partie graphique, je travaille en collaboration avec des dessinateurs de l’atelier. Sur ce projet, Julie Besombes a réalisé les dessins de presse et Vincent Lefebvre s’occupe de dessiner la BD…
Dans un premier temps, le but est de rencontrer les chercheurs, de discuter avec eux de leurs travaux…, suite à cette réunion et à la documentation qu’ils nous ont donnée j’ai écrit un premier scénario.
C’est l’étape initiale, il faut en quelque sorte ingérer le projet, le digérer pour en faire quelque chose de nouveau. En général il me faut une idée, une ligne qui traverse le récit, puis une fois que je la tiens je cherche une entrée et une sortie. C’est important pour moi d’avoir cela, ça cadre les choses. Cela permet d’avancer sur un premier projet que je soumets ensuite aux chercheurs et sur cette base on corrige, on change, on retravaille. Puis, petit à petit, les choses se calent et on peut passer aux premiers drafts dessinés. Là encore on fait des allers et retours avec les personnes impliquées côté UPPA.
Sur Circuballe on doit rendre le projet pour avril, on a donc bien avancé comme on peut le voir sur les planches. À ce stade on a les personnages, la succession des scènes il y a encore du travail bien sûr, mais on devine ce que cela va donner à la fin. Ce que j’aime c’est l’échange avec les chercheurs, il y a là une sorte de bataille pour trouver une solution. La solution c’est une narration claire pour tout le monde, qui soit ludique, pédagogique et vraie sur le fond.
Circuballe est pile sur des sujets qui me motivent, c’est un projet d’économie circulaire, où l’environnement est pris en compte. Avec Circuballe des « résidus » d’agriculture sont valorisés pour produire de nouvelles ressources avec, en ligne de mire, des modes de vie moins carbonés.
[ISIFoR] Et demain tu as déjà d’autres projets prévus avec l’UPPA ?
[Simon Baert] Le réalisé est aujourd’hui impressionnant : on a travaillé sur des domaines aussi différents que le polar, l’histoire avec le vignoble de Buzet, les nouveaux matériaux… on s’appuie parfois sur les podcasts de l’université c’est une bonne source pour les bandes dessinées.
Demain ? Ce sera la suite du magazine Ébullition(s) le numéro 0 est sorti en novembre dernier, le suivant devrait être disponible en juin. L’aventure entre nous et l’UPPA se construit et se développe à chaque étape, j’avoue que tout cela est particulièrement dynamique et motivant. Pour la suite on doit aborder les nano plastiques, l’alimentation des poissons, le biométhane, les contaminants aquatiques, tous ces sujets sont l’objet de recherches à la fac, c’est impressionnant. L’UPPA a probablement été l’un des pionniers à faire de la BD de vulgarisation scientifique de cette manière, pour une université c’est particulièrement novateur.
1 Science avec et pour la société décerné pour 3 ans par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (l’UPPA l’a reçu en avril 2022). Ce label vise à développer des actions favorisant le dialogue entre sciences, recherche et société.
2 Circuballe : Économie circulaire : de la Balle de riz aux biohuiles
3 Simon Baert : Auteur, scénariste BD et dessin de presse sous le pseudonyme KanKr. Avec la dessinatrice Julie Besombes, il forme le duo Plop & KanKr dont on retrouve régulièrement les dessins de presse dans la presse (Le Monde, Siné Mensuel, Le Temps, Sud Ouest dimanche…) et à la télévision (Une semaine dans le monde sur France 24).
4 l’Encre sympathique : association d’auteurs de BD, animateurs, illustrateurs, dessinateurs de presse et graphistes, installée à Billère.
5 Directeur de recherche au CNRS – Institut Charles Gerhardt Montpellier, France. Elle a apporté son expertise sur le projet.