Mesurer les écoulements multiphasiques – de la simulation numérique à la création d’un instrument de mesure
Ce projet porté par Thomas Bonometti (maître de conférence à l’IMFT) visait à étudier les écoulements multiphasiques qui sont omniprésents dans les process en constante évolution de l’extraction des géoressources. Mais leur distribution, bien que conditionnant la perte de charge, les variations de pression et des blocages, reste mal connue. Initié en 2019 ce projet a connu une vie mouvementée mais il a su se réinventer et il présente aujourd’hui une belle postérité académique.
[ISIFoR] Ton projet nommé MECCICO (Modélisation d’ECoulements diphasiques visqueux en Configuration Instable dans une COnduite verticale) avait pour objectif de mieux comprendre les écoulements multiphasiques. Quelle démarche a été mise en place pour ce travail ?
[Thomas Bonometti] La démarche initiale reposait exclusivement sur l’utilisation de simulations numériques fines permettant de décrire les processus à l’échelle locale. Suite à une proposition de Samuel Mer (postdoctorant du projet à l’époque), et qui souhaitait disposer de résultats de référence pour valider les simulations, la démarche s’est étoffée vers une démarche mixte numérique/expérimentale. Samuel a « recyclé » des éléments d’anciens dispositifs pour fabriquer une conduite et faire une expérience de coin de table pour visualiser l’échange entre deux fluides visqueux. Les premiers résultats étaient particulièrement intéressants. Puis Samuel est parti pour voler vers d’autres cieux académiques (poste de maître de conférences à l’Université de Perpignan)…
Écoulement généré par l’échange entre un liquide lourd et très visqueux et un liquide moins lourd et moins visqueux dans un tube. Le champ de pesanteur est aligné de la droite vers la gauche. (Copyright: IMFT – D. Trabichet).
[ISIFoR] Avec le départ inopiné d’un post-doctorant tu as redéployé le financement de ton projet ressourcé autrement. Peux-tu nous dire ce que tu as imaginé à ce moment-là ?
[Thomas Bonometti] Suite au départ de Samuel, il nous est apparu (à Jacques Magnaudet, impliqué dans le projet, et moi-même) compliqué voire illusoire de recruter un nouveau postdoctorant pour 6 mois et d’ici la fin de l’année civile 2019. Les résultats de l’expérience « recyclée » m’ont donné l’idée de tenter de monter un dispositif de plus grande envergure et permettant d’étudier finement les écoulements multiphasiques qui nous intéressaient et ainsi compléter de façon originale les résultats numériques déjà obtenus. J’ai proposé aux responsables du Carnot ISIFoR d’utiliser le financement restant (les 6 mois de salaire de Samuel) pour recruter des stagiaires, concevoir et monter le futur dispositif expérimental qui s’appellerait MECCICO… La proposition a été jugée pertinente et l’accord donné ! Un an plus tard, le dispositif était conçu et un stagiaire, Florian Rein, prêt à faire les expériences. Et le premier confinement sanitaire dû à la COVID19 arriva. Florian fit des simulations depuis son appartement… Il aura fallu attendre le printemps 2021 pour qu’un autre stagiaire, Dorian Trabichet, puisse mener à bien les premières expériences avec MECCICO.
[ISIFoR] L’instrument de mesure créé suite à cette redéfinition du projet MECCICO a tenu ses promesses. Les résultats des mesures réalisées avec l’instrument et cet outil en lui-même ont contribué à la naissance de nouveaux travaux académiques nationaux et même internationaux. Quels sont-ils ?
[Thomas Bonometti] Les résultats obtenus lors du projet sont actuellement en cours de valorisation. A l’initiative du projet, il y avait une interaction avec le professeur Rich Kerswell actuellement à l’université de Cambridge. Dans la continuité directe du projet, une thèse financée par un Contrat Doctoral Etablissement a démarré en octobre 2022 (thèse d’Hadrien Bruhier) et utilisera le dispositif MECCICO. Entre temps, les travaux sur les fluides visqueux initiés dans le cadre du projet MECCICO ont permis d’entrer en contact avec des collègues du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse qui cherchaient des outils numériques complémentaires à ceux déjà utilisés pour décrire d’autres fluides visqueux, à savoir le magma évoluant dans la croûte terrestre. Cette prise de contact a mené au co-encadrement d’une thèse actuellement en cours et financée par le CNRS. Enfin, des discussions sont actuellement en cours avec un chercheur du CEA afin de voir la faisabilité à utiliser le dispositif MECCICO pour étudier le problème de Rayleigh-Taylor en milieu confiné.
Contact – thomas.bonometti@imft.fr
- Le dispositif MECCICO sous tous les angles !
- Le centre de la roue est l’axe de rotation autour duquel le tube peut se retourner.