Suite de nos entretiens avec celles et ceux qui font la science au sein d’ISIFoR. Cette semaine nous avons rencontré Marie Poulain qui est IGR (Ingénieure de Recherche) au LaTEP de Pau. Une bonne occasion pour discuter financements de la recherche, parcours académique et personnel, intérêt du dispositif Carnot et bien d’autres choses encore.
[ISIFoR] Quel parcours t’a conduit jusqu’au LaTEP ?
[Marie Poulain] Je viens de Royan où j’ai passé mon enfance et ceci jusqu’au lycée. Après un bac scientifique, j’ai décidé de m’inscrire en faculté de physique-chimie, disciplines auxquelles j’avais pris goût dès le collège. Je devais, à ce moment-là, partir de chez moi et normalement j’aurais dû aller à Poitiers ou à Bordeaux. Mais j’ai toujours eu un goût pour les chemins de traverse et j’avais envie d’aller sur un terrain totalement nouveau. Alors j’ai vu qu’à Anglet c’était possible avec l’UPPA : je pouvais suivre la formation que je cherchais, trouver un lieu totalement nouveau et rester près de l’océan.
Au bout de deux ans je suis venue à Pau car à l’époque on ne pouvait encore pas faire sa troisième année de licence dans le Pays Basque. À l’issue de celle-ci, j’ai poursuivi en master de Chimie Physico-Chimie des Matériaux, cette discipline me plaisait mais j’arrivais au bout du cycle qui m’avait paru être ma voie quand j’ai commencé mes études : c’est-à-dire 5 années d’études (qui me semblaient alors amplement suffisantes). Les années de master m’ont fait « bouger », faire une thèse ne me paraissait plus aussi abstrait et je voyais ce que cela pouvait m’apporter. J’avais cependant encore en tête quelques points qui me paraissaient importants avant de m’engager véritablement sur cette voie car je ne voulais pas une thèse à tout prix. Ce que je voulais c’était un bon sujet (qui soit porteur) et un bon encadrement.
J’ai donc commencé à discuter avec Hervé Martinez (IPREM) qui avait été mon professeur et il m’a proposé de venir discuter avec lui et Pierre Cézac (LaTEP) d’un sujet de thèse. En octobre 2016, j’ai commencé ma thèse en Génie des Procédés, domaine différent de ma formation initiale, sur l’ Etude expérimentale du comportement thermochimique des fluides géothermaux et des corrosions induites. C’était un domaine dont je n’étais pas encore experte mais je me suis tout de même engagée dans cette thèse car les directeurs cherchaient une personne curieuse, qui sache s’adapter, ce qui ne me faisait pas peur.
[ISIFoR] Est-ce que tu viens d’une famille où la science était importante ?
[Marie Poulain] Je ne viens pas d’une famille de scientifiques, ni dans laquelle la science avait une place particulièrement positive ou valorisée. Ma chance a été d’être française et de bénéficier d’un système d’enseignement qui m’a donné la possibilité de pouvoir étudier. Je suis très consciente et reconnaissante d’un tel système, car je sais qu’ailleurs cela ne se passe pas ainsi.
Bien sûr, les choses ne se sont pas faites toutes seules non plus, depuis petite j’ai aimé étudier et travailler, j’ai donc trouvé ma place aisément dans le système scolaire. J’aimais toutes les matières mais vers l’âge de 10 ans, à noël, j’ai reçu une boîte de petit chimiste et j’avoue que cela m’a ravie et passionnée. À partir de ce moment la science m’a beaucoup plus occupée que les autres matières enseignées. Après le bac, autre chance, j’ai pu choisir ce que je voulais faire car je n’avais pas de pression familiale sur une matière à privilégier ou la durée des études, j’ai donc pu m’envoler pour Anglet comme je l’ai expliqué et c’était enthousiasmant.
[ISIFoR] Tu as participé à plusieurs projets ressourcés par le Carnot ISIFoR dont tu n’étais pas la porteuse (pour mémoire DEVPE3S en 2019, H2STOCK en 2021 et H2STOCK2 en 2022,). Comment est-il possible de travailler sur des projets ressourcés par un Carnot sans en être la porteuse ? quel regard portes-tu sur ce dispositif qui permet de financer la recherche ?
[Marie Poulain] J’ai préparé puis soutenu ma thèse de 2016 à 2019. Après 2019 j’ai été en post-doc toujours au LaTEP et j’ai participé comme soutien à plusieurs projets ressourcés du Carnot ISIFoR. J’ai ainsi pu aider au développement expérimental de la thèse de Mateus de Souza Buriti sur la caractérisation d’équilibre liquide-solide. Cette thèse financée pour partie par le Carnot (projet DEVPE3S – 2019) et suivie par madame Lidia Casas Martinez a été également l’occasion de partager les interrogations de Mateus sur les difficultés d’interprétation de résultats. C’est comme cela que j’ai pu intervenir sur des projets du Carnot ISIFoR, car lorsque l’on est post-doctorante on a bien sûr son propre sujet mais on fait aussi partie d’une équipe qui travaille sur des sujets ou des questionnements qui sont proches de ceux que l’on peut avoir, on s’épaule et on s’aide dans le travail.
Sur les projets H2STOCK et H2STOCK2 ce n’était pas la même chose. Salaheddine Chabab (enseignant-chercheur au LaTEP) porteur de ces projets et titulaire de la chaire HYDR E2S-UPPA a obtenu des financements permettant d’acheter du matériel technique. Dans ces domaines j’étais plus loin de mes thématiques mais sur la technique j’ai pu apporter des choses. J’ai donc donné mon avis sur le matériel à acheter et sur les manipulations qui pouvaient être envisagées.
Le dispositif Carnot est une bonne chose à plusieurs niveaux : au niveau humain et d’un point de vue matériel. Les dispositifs expérimentaux dont on a besoin sont couteux (grosso modo ils peuvent coûter de 30 000 à 300 000 €) et l’aide du Carnot est utile pour financer de « petites » pièces ou participer au montage d’achat de matériels particulièrement onéreux. Souvent l’aide apportée par le Carnot est la première pierre d’un projet qui se développera sur de nombreuses années. Dans cette perspective on conçoit toute l’importance de ce dispositif. Enfin, si l’on prend un peu de recul on constate que 90 % de nos projets sont financés par la collaboration, donc une fois encore la pierre Carnot est tout à fait nécessaire à nos travaux.
[ISIFoR] Construire des projets de recherche est un parcours parfois complexe (recherche de financements, travail en réseau…) qui vient s’ajouter au travail lui-même. Dans cette construction, qui nécessite un véritable savoir-faire, est-ce que le travail se fait en équipe, ou est-ce une étape plutôt solitaire ?
[Marie Poulain] On apprend le montage des projets sur le tas. C’est en équipe et en voyant comment les autres font que l’on comprend comment cela marche. Il n’y a pas de formation sur ce point et c’est dommage. Vu de l’extérieur c’est un monde nébuleux, c’est pour cela que c’est important d’avoir une équipe qui te soutient ; qui te dit là c’est possible, là non. Il y a des plateformes qui recensent les appels à projet mais c’est vraiment les autres membres de l’équipe qui te permettent d’avancer, au moins dans les premiers temps.
[ISIFoR] En tant que jeune chercheuse qu’est-ce qui est important pour toi dans ton travail (constitution des projets, la manière de travailler…) ?
[Marie Poulain] Ce que je voudrais c’est continuer à travailler en collaboration au sein de mon labo et avec d’autres partenaires ; qu’ils soient publics ou privés. Mettre tout ce monde ensemble, dans une approche pluridisciplinaire, voilà qui me parait important car c’est le gage d’une vision plus large. C’est pour moi la meilleure manière d’aborder les questions et les problèmes que l’on rencontre dans la recherche.
Dernière chose, la transition énergétique. Je la mets en dernier car c’est sans doute la plus importante. Quand j’ai choisi mon sujet de thèse, comme je l’ai évoqué, j’ai dit que je voulais un sujet porteur, mais porteur cela signifiait également inscrit dans mon époque et dans le monde au sein duquel je vis. Ma génération (j’ai 30 ans) a parfaitement à l’esprit cette question, alors bien sûr je ne suis pas parfaite, je ne suis pas écolo à 100% mais avec mes collègues on essaie chaque jour de trouver des solutions pour l’avenir et avancer dans cette voie.
Contact de Marie Poulain – cliquez ici
- Photos des pilotes – ©Marie Poulain
- Photo de Marie Poulain – ©Alexis Chézières