Nous rencontrons Jean-Marc Sotiropoulos quelques jours après les Journées IPREM (1er et 2 juillet 2024), qui ont rassemblé les membres de l’institut pour : présenter les travaux en cours, décerner des prix pour de jeunes chercheurs (Master2) et se retrouver tous ensemble ce qui n’est pas si fréquent compte tenu de la taille de l’IPREM (Institut des sciences analytiques et de Physico-chimie pour l’environnement et les Matériaux). Ayant pris la direction de l’institut en janvier 2024, Jean-Marc Sotiropoulos directeur de recherche CNRS et spécialiste de chimie organique et organométallique, revient sur ses premiers mois dans cette nouvelle fonction. Une occasion pour parler de la politique actuelle et à venir de l’institut du parcours qui l’a conduit à la Chimie et à Pau et de l’histoire de l’IPREM.
Pour ceux qui l’auraient oublié l’IPREM est aujourd’hui un grand laboratoire de chimie à l’échelle française (avec plus de 300 personnes travaillant en son sein) rassemblant un très large éventail d’expertises du monde de la chimie et portant haut les couleurs de l’UPPA et du CNRS au niveau international.
[ISIFoR] VOUS DIRIGEZ L’IPREM DEPUIS JANVIER 2024 QUEL CONSTAT TIREZ-VOUS DE CES PREMIERS MOIS ?
[Jean-Marc Sotiropoulos] L’IPREM est un beau navire mais je le savais déjà en prenant ce poste. Ce qui est différent pour moi, c’est que je le vois sous un autre angle, depuis une place où il faut arbitrer et ce n’est pas une chose aisée. Ce n’est pas facile car il faut être juste sur un grand nombre de questions, pour qu’il n’y ait pas de déséquilibres au sein de l’institut. Mais pour ce travail je ne suis pas seul : on travaille en co-gestion avec trois pôles servis par 2 personnes pour chacun d’eux. Bien sûr, dans ce travail il y a également les personnels d’appui à la recherche qui sont d’une grande importance et j’ai avec moi 2 directrices adjointes Cécile Courrèges et Christine Lartigau-Dagron.
Notre idée, embarquer tout le monde, car en ligne de mire on a la volonté de faire grandir notre institut, le développer. On a tous intérêt à cela. Ces premiers mois ont été l’occasion de voir toutes les bonnes volontés et cette expérience me fait dire que les membres de l’IPREM ont envie d’avancer ensemble, ce qui sera la garantie d’un bon fonctionnement pour les mois et les années à venir.
[ISIFoR] COMMENT VOYEZ-VOUS L’AVENIR DE L’IPREM ?
[Jean-Marc Sotiropoulos] J’aimerais que l’on aille dans toutes les directions où nous avons des compétences. Pour faire avancer notre institut je pense qu’un regard extérieur nous sera utile, mettre en place un conseil consultatif pourrait être une voie à explorer afin de nous proposer des pistes de développement ou d’amélioration.
Pour le moment ce qu’il faut maintenir et développer c’est l’interconnexion des pôles. Par exemple les chimistes théoriciens vont vers la biologie pour résoudre des problèmes, travailler ensemble sur des projets. Ils montent des choses et cela fonctionne ! C’est là que je veux aller, que l’on soit interconnectés au lieu d’être les uns à côté des autres.
Pour cela il faut que chacun soit bien dans son cadre de travail, ici on n’est pas dans le privé et on ne va pas forcer les uns à travailler avec les autres. Nous faisons en sorte que le quotidien du travail soit le meilleur possible et que les chercheurs se parlent, qu’ils voient l’intérêt qu’ils ont à coopérer. Je suis à l’IPREM depuis longtemps et je sais que quand on a un objectif commun pour faire de la bonne recherche ça marche bien. Pour résumer il faut se parler.
[ISIFoR] QUELLE EST LA PLACE DE LA RECHERCHE PARTENARIALE AU SEIN DE L’INSTITUT ?
[Jean-Marc Sotiropoulos] Il y a des situations diverses, mais ce qui est sensible c’est qu’il y a une envie d’aller vers de l’appliqué chez beaucoup de personnes. Pour certaines composantes de l’IPREM comme les polyméristes c’est « facile » car ils peuvent aller aisément vers ce type de collaboration. Le champ d’application est énorme avec le suivi alimentaire ou la pollution des sols par exemples. Des start-ups peuvent également être issues des travaux de recherche menés à l’IPREM comme BIOMIM’Gel, il peut aussi y avoir des laboratoires communs comme IC2MC1 et des chaires comme Ecotox2. Tout cela est la matérialisation de cette activité de recherche partenariale.
D’autres domaines sont moins directement attirés vers le partenariat comme la physico-chimie, même si cela n’est pas vrai à 100%. Ainsi on peut voir des applications in silico sur la toxicologie par exemple.
[ISIFoR] QUEL PARCOURS VOUS A MENÉ LÀ ?
[Jean-Marc Sotiropoulos] Je suis tombé dans la chimie très jeune. À vrai dire mes parents étaient scientifiques ; un père chimiste et une mère biologiste ça m’a naturellement tourné vers les sciences. Il y avait dans notre maison des discussions constantes, juste entre nous ou avec les amis qui passaient, sur la preuve des phénomènes, la remise en cause de faits énoncés. Résoudre, démontrer, c’était quelque chose de quotidien, c’était l’ambiance de mon enfance. Quand je la considère, rétrospectivement, je me rends compte que j’ai eu de la chance. Enfant j’ai baigné dans tout cela, dans le même temps j’étais très manuel, j’adorais bricoler, je me suis mis à l’électronique très tôt, mais au bout du compte tout me ramenait vers la chimie.
J’ai donc suivi mon goût, je me suis dirigé vers l’université car mon idée était de devenir chercheur, je voulais faire du fondamental, c’était très clair pour moi. J’ai eu un parcours de sciences classique ; DEUG B puis, par la bio, je suis revenu vers la chimie. Cela m’a fait découvrir la géologie, la biologie et leurs vocabulaires, ce qui m’a beaucoup aidé par la suite, car connaître ces vocabulaires permet de fluidifier les collaborations et éviter les problèmes de compréhension parfois bloquants.
Puis licence, DEA (actuel Master de recherche) dans un excellent labo, celui de Guy Bertrand qui est une sommité dans la chimie des carbènes et la chimie organométallique. C’était un moment particulier, intellectuellement très stimulant. J’ai poursuivi sur une thèse et un post-doctorat à Berlin qui venait d’être réunifiée, à la fondation A. Humbolt. Toutes ces années étaient très riches, très denses sur le plan des études mais aussi personnellement.
À mon retour d’Allemagne un moment important de ma carrière s’est joué. Trouver un poste à l’université ou au CNRS était très difficile. ATER et sans perspectives claires pour la suite j’avais songé avec un ami à monter une entreprise de domotique, car nous étions passionnés d’électronique et que ce secteur, balbutiant, promettait beaucoup. Juste à ce moment j’ai entendu parler d’un poste CNRS ouvert à Pau. J’avais 31 ans, limite de l’époque pour postuler aux concours CNRS, j’ai donc tenté ce que je pensais être ma dernière chance pour la recherche. Je me suis présenté et au terme du processus de sélection et d’une préparation intensive, j’ai rejoint l’un des labos qui allait constituer l’IPREM, nous étions en 1993.
[ISIFoR] ET L’IPREM C’EST QUOI AU FAIT ?
[Jean-Marc Sotiropoulos] L’IPREM est une Unité Mixte de Recherche (UMR) issue de la Fédération de Recherche 2606, en d’autres termes c’est : l’Institut de Recherche Pluridisciplinaire pour l’Environnement et les Matériaux. Elle est née au 1er janvier 2006 du regroupement de 3 laboratoires et d’une équipe d’accueil : le Laboratoire de Chimie Théorique et Physico-chimie Moléculaire (LCTPCM, UMR 5624), le Laboratoire de Physico-Chimie des Polymères (LPCP, UMR 5067) et le Laboratoire de Chimie Analytique Bio-Inorganique et Environnementale (LCABIE, UMR 5034), ainsi que l’Équipe d’Accueil (EA) « équipe de microbiologie et de comportement des populations ». En 2011 l’IPREM devient UMR, en conservant le même acronyme, l’institut des sciences analytiques et de physico-chimie pour l’environnement et les matériaux.
L’IPREM est actuellement localisé sur quatre sites géographiques. À Pau : sur le site Hélioparc (80 % des effectifs), sur le campus de l’UPPA l’IPREM dispose du bâtiment IBEAS (10% des effectifs (pour la partie microbiologie)) et la cellule de transfert technologique autour des thématiques des Matériaux Composites et Organiques Nanostructurés (CANOE) pour la physique des polymères. L’IPREM est également localisé sur le site du campus de Mont-de-Marsan sur la thématique des technologies du bois et sur le campus de Montaury-Anglet pour ses activités sur la chimie de l’environnement marin.
Nous sommes ainsi un grand laboratoire, riche de compétences très diverses, avec des machines uniques et rares, mais notre vraie richesse ce sont les femmes et les hommes qui font vivre et avancer notre institut.
- 1 Laboratoire International de Cartographie Moléculaire des Matrices Complexes, créé avec le CNRS, l’Université de Rouen, l’INSA de Rouen et TotalEnergies, rejoint en 2019 par la Florida State University.
- 2 Écotoxicologie des contaminants chimiques dans les eaux continentales. Chaire en partenariat avec deux industriels : Total et Rio Tinto. Elle s’attache à combler les lacunes actuelles en évaluation du risque environnemental des contaminants chimiques par le développement de connaissances fondamentales et d’outils pratiques d’évaluation de la qualité de l’eau.