Nous constaterons aujourd’hui comment les concepts établis lors des projets soutenus par le Carnot ISIFoR trouvent une application sur d’autres métaux que ceux étudiés initialement. Cet article s’intéressera également au fait que de tels travaux devraient aboutir à un nouveau modèle conceptuel géodynamique et géochimique des systèmes métallifères pétroliers.
UN RÔLE INATTENDU DE LA MATIÈRE ORGANIQUE
L’une de telles approches est de modéliser les interactions fluide-roche en utilisant les bonnes connaissances de la spéciation chimique et de la thermodynamique des fluides hydrothermaux ‒ une des spécialités de l’équipe au GET. Ces modèles ont simulé le passage d’un fluide typique magmatique porteur d’or à travers une roche sédimentaire modèle ‒ un grès contenant de la matière organique. Contrairement à un paradigme très répandu parmi les métallogénistes selon lequel le carbone organique est un piège pour l’or et doit le précipiter par réduction, les modélisations numériques ont montré bien le contraire : le carbone organique favorise la solubilité de l’or dans le fluide. Ceci est dû à un effet combiné du changement des différentes paramètres du fluide (teneur en soufre, acidité et propriétés redox) qui favorise l’or dissous sous forme d’espèces sulfurées en phase fluide en empêchant la précipitation du métal. On a trouvé ainsi un moyen très efficace de transporter l’or dans les roches sédimentaires, mais encore faut-il le piéger dans la pyrite. C’est ici que l’arsenic entre en jeu.
LE RÔLE DE L’ARSENIC
Les chercheurs de l’équipe ont tenté de comprendre comment l’or de concentre dans la pyrite, en associant des expériences de synthèse hydrothermale de pyrites aurifères conduites au sein de la plateforme GME du réseau Extra&Co d’ISIFoR au GET, avec des analyses de minéraux naturels et leurs analogues synthétiques par spectroscopie d’absorption de rayons X de haute résolution sur synchrotron (ESRF, Grenoble) et leurs modélisations physico-chimiques et moléculaires. Les résultats obtenus ont permis aux chercheurs de découvrir que l’or s’incorporait dans la structure cristalline du minéral par une réaction redox, en se liant très fortement à l’arsenic. Ce couplage or-arsenic à l’échelle atomique permet d’expliquer, pour la première fois et de manière quantitative, les phénomènes d’incorporation et ensuite de libération de l’or par ces minéraux hôtes aboutissant à la formation des ressources aurifères sur Terre. Cette partie de l’étude a fait l’objet notamment d’un Publi’Story de l’Institut Carnot (http://www.carnot-isifor.eu/publi-story-une-pompe-a-or-dans-la-croute-terrestre/) et a eu un impact médiatique conséquent, avec plus de 15 communiqués de presse.
IMPACT SCIENTIFIQUE ET ÉCONOMIQUE DU PROJET OrPet
En mettant ensemble les résultats de toutes ces approches complémentaires mises au point dans ce projet, les chercheurs ont pu élaborer un nouveau modèle conceptuel de la genèse de gisements aurifères dans les bassins sédimentaires (figure 3). Ce modèle met en avant une action couplée de la matière organique et de l’arsenic combinée avec une géodynamique favorable et une source magmatique des fluides et des métaux. Un fluide magmatique épithermal a transporté l’or et de l’arsenic de manière focalisé à travers les roches riches en carbone organique guidé par les failles et pièges structurales comme les anticlinaux. Puis il a déposé l’or de manière concentrée, avec l’arsenic, dans la pyrite arsénifère. Ce modèle a fait l’objet d’un grand article à Economic Geology (Vallance et al., 2023) qui devrait avoir un impact considérable pour la métallogénie. Ses résultats changent des paradigmes très répandus en ressources minérales et proposent de nouvelles pistes pour l’exploration des ressources métalliques.
VERS UN NOUVEAU MODÈLE CONCEPTUEL DES SYSTÈMES METALLIFÈRES PÉTROLIERS
Les concepts que le projet OrPet a permis d’établir sont appliquées pour d’autres métaux trace critiques et associés qui sont cachés dans les minéraux majeurs comme la pyrite et sont perdus lors de l’extraction de l’or et se retrouvent ainsi dans les résidus miniers (tailings). Pour comprendre leur comportement dans les bassins sédimentaires et les processus de piégeage et concentration et les interactions carbone organique – fluide métallifère il faut des approches expérimentales et de spectroscopie in-situ qui sont au cœur du projet AsCOCrit. Une leçon de ces projets est que pour comprendre les géoressources il faut des outils combinés, allant d’une analyse structurale et tectonique à l’échelle du bassin jusqu’une géochimie et minéralogie très fines couplées à des modélisations physico-chimiques à l’échelle moléculaire. La combinaison de toutes ces approches devrait aboutir à un modèle conceptuel géodynamique et géochimique des systèmes métallifères pétroliers. Plus généralement encore, les nouvelles méthodes expérimentales, analytiques et de modélisation développées pourront servir dans des domaines très différents comme l’extraction et le traitement des minerais ou encore la synthèse hydrothermale de nanomatériaux où la connaissance fine des fluides hydrothermaux et leurs interactions avec les minéraux est primordiale
Références
Vallance J., Galdos R., Balboa M., Berna B., Cabrera O., Baya C., Van De Vyver C., Viveen W., Béziat D., Salvi S., Brusset S., Baby P., Pokrovski G.S. (2023) Combined effect of organic carbon and arsenic on the formation of sediment-hosted gold deposits: A case study of the Shahuindo epithermal deposit, Peru. Economic Geology (in press).
Gleb Pokrovski – GET
gleb.pokrovski@get.omp.eu