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11 juin 2024

Évaluer l’acceptabilité sociale des projets de méthanisation : le volet SHS du projet BioCAD

SHS – acceptabilité sociale – méthanisation – biochars – perception sociale - biogaz

Sébastien Chailleux

Longtemps vœu pieu, la construction commune de projets de recherche présentant à la fois des sciences dites dures et des sciences humaines, devient depuis quelques années une réalité. C’est le cas du projet BioCAD qui a rassemblé Cécile Hort1 et Sébastien Chailleux2 entre 2020 et 2022.

Cécile Hort // Alberto Vergara-Fernandez // biofiltration // purification de l’air // LaTEP // IPRA // UAndes

Cécile Hort

Le point de départ du projet a été posé par mme Hort, il s’agissait : d’étudier l’intérêt du bio-charbon dans un processus de purification des gaz nocifs que peut générer la méthanisation. C’est dans ce cadre et autour de ce sujet, que Sébastien Chailleux a été amené à travailler pour comprendre l’accueil que les populations réservent à cette technologie. Une bonne illustration d’un travail concomitant sur une thématique partagé, entre disciplines différentes.

UNE TECHNOLOGIE ANCIENNE, EN CONSTANTE AMÉLIORATION, QUI DEVIENT VISIBLE DANS LE PAYSAGE ET LES ESPRITS

Somain – unité de méthanisation de la ferme Sockeel – Jérémy-Günther-Heinz Jähnick © Wikimedia Commons

Malgré une découverte ancienne (au début du XIXe siècle) et des atouts certains, la méthanisation a connu des phases d’intérêt et de désaffection successives ; au fil des politiques et des disponibilités énergétiques. Peu développée en France, elle connait un regain d’intérêt avec l’obligation de brûler les gaz de décharge dès 1997 puis elle monte en puissance à partir des années 2000 face à l’urgence suscitée par un changement climatique aux effets de plus en plus tangibles.

Ce contexte explique pourquoi la méthanisation est une source d’énergie techniquement connue mais qui reste méconnue d’une grande partie de la société. En constante amélioration d’un point de vue technique, ce dont témoigne de nombreux travaux de recherche récents (voir par exemple, à l’UPPA la succession des travaux de Cécile Hort auxquels le Carnot ISIFoR a pu s’associer), la question sociale soulevée par la méthanisation devenant quant à elle plus tangible au fur et à mesure de l’installation d’unités de production (300 installations agricoles étaient implantées en 20173).

C’est dans ce cadre que le projet BioCAD s’est constitué, au cours de l’année 2019, avec un volet sciences dures et un volet sciences humaines auquel nous nous intéressons dans ces lignes. Sébastien Chailleux2, alors enseignant à Pau, a pris en charge le pan sciences humaines de l’étude en encadrant un travail de M2 dédié à ce sujet.

 

L’APPROCHE DU SUJET : ENQUÊTE PAR LA LITTÉRATURE ET ENQUÊTE DE TERRAIN

L’idée de départ visait donc, dans le cadre de ce travail, à analyser les perceptions sociales de riverains d’une unité de méthanisation. Pour le mener à bien deux phases distinctes ont été définies. La première consistant en un travail d’étude, afin de réaliser un état de la littérature au sujet des questions d’acceptabilité sociale de ce type de projets. Il s’agit, à cette étape, de « déconstruire ce que l’on peut généralement penser du sujet »4. La deuxième phase devait résider en un « terrain », avec une enquête auprès d’habitants voisins d’une unité de méthanisation.

CE QUE NOUS DIT LA LITTÉRATURE

Ce travail est « … assez classique en sciences sociales. Il permet d’aller plus loin que les conceptions primaires d’oppositions : je ne veux pas de ce type de projet près de chez moi, ou celles archétypiques de riverains s’opposant à tout systématiquement parce que défendant égoïstement la valeur de leur foncier… Cette phase de recension préliminaire a permis de constater que c’était beaucoup plus compliqué que cela. Comme il y a plusieurs niveaux lors de la construction des projets de méthanisation : entre processus décisionnel et cadre réglementaire et que ce processus est complexe, les riverains sont généralement prévenus tard. Ils se sentent exclus et cela favorise les oppositions. Dans un tel cadre la perception de la justice sociale est également importante et elle est souvent estimée comme étant défavorable aux populations, avec un sentiment d’être floué, de ne pas être écouté, de ne pas bénéficier d’une redistribution des retombées du projet ».

Après ce travail de recension de la littérature scientifique ayant trait au sujet, les bases sont posées : plusieurs cas d’études, diverses approches et analyses, le chercheur est désormais armé pour se rendre sur le terrain.

UN TERRAIN CONTRARIÉ

La seconde phase devait s’appuyer sur une enquête de terrain. Il avait été acté avec le gestionnaire d’une unité de méthanisation que l’étudiant irait à la rencontre des riverains. « Malheureusement le covid est venu tout annuler compte tenu des normes sanitaires alors en vigueur, il fallait donc songer à redéfinir notre travail ».

« Pour avancer sur le sujet nous avons décidé de réaliser une analyse de la presse écrite généraliste autour de la question du biogaz entre 2012 et 2022. Cela nous a permis de tirer un certain nombre d’enseignements qui pouvaient entrer dans le cadre de ce travail. »

En premier lieu, et pour résumer, la question de l’acceptabilité sociale de la méthanisation est peu présente mais elle devient de plus en plus visible au cours de la période étudiée et ceci particulièrement à partir de 2020. Il y a, par ailleurs, au cours de la période un facteur géopolitique qui a fait exploser le nombre de retombées et donné un éclairage important sur le biogaz et la méthanisation : il s’agit de la guerre en Ukraine.

SHS – acceptabilité sociale – méthanisation – biochars – perception sociale - biogaz

Schéma synthétique du projet BioCAD (E2S UPPA), incluant le processus de création de biochar à partir des digestats issus de la méthanisation

Si on en revient aux messages on constate que ceux qui les portent sont tout d’abord les associations, puis viennent les acteurs publics et en dernier lieu les acteurs privés. Ces acteurs s’expriment, de manière globale, positivement et en faveur de cette technologie, il y a deux fois plus d’arguments positifs que de critiques. « Nous avons eu des résultats intéressants. Par rapport aux mines c’est très différent. Pour ces dernières les acteurs que l’on voyait apparaître et s’exprimer étaient les opposants. Ici ce n’est pas le cas. »

Voici les principales conclusions auxquelles est parvenu ce travail. Bien que bouleversé il a permis, au moment même où, côté sciences dures, on travaillait sur les biochars issus de méthanisation, d’avancer sur une connaissance plus fine des perceptions sociales que suscite une telle technologie.