Contrôler et mesurer le CO2 et l’H2 dans le sous-sol
UN CONTEXTE « ANCIEN »
Installé à Bordeaux, l’équipe d’accueil G&E* (Géoressources & Environnement) a travaillé sur l’altération des roches carbonatées et sur le problème de risques d’effondrement de carrières souterraines à Saint-Émilion il y a une vingtaine d’années. Cette étude, qui abordait les processus de diagénèse et la formation de réservoirs, a conduit Corinne Loisy (enseignant-chercheur), Adrian Cerepi (enseignant-chercheur) et leurs équipes à s’intéresser à la question du stockage géologique de gaz. Leur premier « projet CO2 », réalisé sur un site pilote naturel, appelé Vadose-CO2 (2009-2013), visait à déterminer le pouvoir de rétention du CO2 dans la zone Vadose. Il a permis de poser les jalons de travaux ultérieurs : fuites, réaction du milieu, tests d’outils de monitoring, de disposition des capteurs de CO2… travaux qui aboutissent aujourd’hui à de nouvelles recherches orientées vers l’hydrogène.
L’ENTRETIEN
[ISIFoR] Lorsque vous commencez le projet Aquifer-CO2Leak (ressourcé par le Carnot ISIFoR) en 2018 d’où partez-vous ?
[Corinne Loisy et Adrian Cerepi] Ce projet ne se construisait pas ex-nihilo. Nous avions défriché pas mal de terrain, en premier lieu avec CO2–Vadose, puis 2 autres projets qui avaient complétés ce premier travail. À ce moment-là, en 2018, nous étions prêts à mettre en place nos méthodes et les technologies que nous avions développées pour détecter et localiser les fuites de CO2 et les gaz traceurs associés. La succession des premiers projets avait permis de réaliser et de mettre à l’épreuve des outils et des méthodes de monitoring. Dans le même temps nous passions d’un travail sur une zone proche de la surface (zone non saturée) à une zone plus profonde sur les aquifères. Ce cheminement nous a conduit à déposer plusieurs brevets et à travailler avec une grande diversité de partenaires (Teréga, Glincs, IFPEN, Antea, UPPA, ADEME, Région Nouvelle-Aquitaine, etc.).
Le soutien de la commune de Saint-Émilion et de propriétaires locaux (tous préoccupés par la question du changement climatique) nous a permis de travailler dans une carrière souterraine. C’était tout à fait remarquable, nous réalisions là une recherche unique en son genre entre l’échelle du laboratoire et un site industriel. C’est à ce moment que vient se placer notre projet : Aquifer-CO2Leak, ressourcé par le Carnot ISIFoR. La démarche que nous poursuivions dans nos travaux : recherche / transfert / application industrielle, résonnait bien avec celle du Carnot ISIFoR. Son soutien et l’avancée de nos projets, nous a donc permis de travailler ensemble à partir de 2018.
[ISIFoR] Au CO2 est venu s’ajouter d’abord le CH4 et enfin l’H2 : cet élargissement était-il prévisible ou est-ce la géopolitique qui est venue se mêler de tout cela ?
[Corinne Loisy et Adrian Cerepi] Dans l’équipe d’accueil G&E (qui a rejoint l’UMR EPOC équipe Géologie Sédimentaire Université de Bordeaux, depuis janvier 2022) on travaille sur les géoressources de manière large, avec en ligne de mire le changement climatique, la transition énergétique et en particulier le stockage géologique d’énergie qui sera nécessaire dans les années à venir. Avec notre connaissance du CO2 évoquée plus haut, les recherches se sont étendues dans le cadre d’une thèse sur le CH4, l’enchainement s’est fait facilement. En effet, le trio CH4, CO2 et H2 interagit particulièrement bien et on le retrouve parfois en mélange dans les réservoirs géologiques. Le passage vers l’H2 devenu évident, restait à tester nos modèles, les processus géologiques et physico-chimiques et nos savoir-faire sur ce gaz, ce que nous allons faire avec le projet ANR HyStorEn (Stockage d’hydrogène dans un hydrosystème souterrain : comportement physico-chimique, monitoring et impact environnemental). La mise en place à l’échelle Nationale du GDR HydroGEMM (Groupement de Recherche) sur l’hydrogène (natif-naturel et sur le stockage géologique de l’H2) officialisé par CNRS-INSU-INSMI-INSIS le 1 janvier 2023, en présence de 35 UMR et équipes de recherche, d’EPICS et d’Industriels (Total, Storengy, Terèga, etc.) va être un catalyseur pour renforcer nos travaux de recherche.
[ISIFoR] Et demain ? dans un contexte très dynamique autour du stockage de CO2 ou d’H2 quelles sont les voies que vous voudriez explorer ou celles que vous souhaiteriez développer ?
[Corinne Loisy et Adrian Cerepi] Nous avons beaucoup de travaux de R&D (Recherche et Développement) à réaliser avant de passer à l’étape industrielle, ce à quoi nous nous employons quotidiennement. Dans le même temps, nous avons un rôle d’enseignants. La formation des jeunes, à laquelle nous contribuons dans le cadre de nos cours et écoles d’application à l’ENSEGID (école nationale supérieure en environnement, géoressources et ingénierie du développement durable) nous semble particulièrement importante. Dans cette école d’ingénieurs nous avons à cœur de développer des enseignements dans le domaine de la transition énergétique, du changement climatique en relation étroite avec l’industrie, d’introduire de la recherche et de faire en sorte que les étudiants aient tous ces savoirs à leur disposition lorsqu’ils sortiront de l’école. Cela les aidera à répondre aux problèmes que soulèvent le changement climatique et la transition énergétique dans les années à venir.
Contacts – Corinne Loisy loisy@bordeaux-inp.fr – Adrian Cerepi cerepi@bordeaux-inp.fr
* Qui a rejoint l’UMR EPOC équipe Géologie Sédimentaire Université de Bordeaux, en janvier 2022.