[ISIFoR] Quel est ton premier souvenir scientifique ?
[Léna] Mon premier souvenir scientifique remonte à mon enfance, je dirais au primaire. À Noël, j’avais demandé un coffret pour fabriquer des cristaux et un microscope avec toute sa panoplie d’accessoires. Avec le recul, c’est amusant puisque c’est maintenant mon travail. Sinon, en dehors des petites expériences de physique-chimie au collège, c’est une sortie géologique au lycée, en Auvergne, qui m’a marqué. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que les sciences de la Terre me plaisaient vraiment et que j’ai commencé à envisager des études dans ce domaine.
[ISIFoR] Actuellement en post-doctorat tu travailles sur le projet CO2Met (financé par le Carnot ISIFoR). Peux-tu nous dire en quoi réside ce projet ?
[Léna] Le développement de sources d’énergie renouvelables, primordiale pour atténuer les effets du changement climatique, nécessitent un certain nombre de métaux de base (Fe, Mg, Zn) mais aussi de métaux moins abondants dits « critiques » (Co, Cu, Ni, Sc). Cependant la demande prévue pour ces éléments dépasse l’offre actuelle. Une approche visant à réduire l’extraction minière consiste à retraiter les déchets miniers ultramafiques existants pour récupérer ces métaux. En effet, les roches ultramafiques sont riches en Mg (et Ca) et présentent les plus fortes concentrations de Ni et de Cr, ainsi que d’autres métaux tels que le Co, Cu, Zn et Fe qui peuvent être laissés dans les déchets après l’exploitation minière. Ces résidus miniers ultramafiques sont également susceptibles de se transformer rapidement, du fait de leur forte réactivité, en minéraux carbonatés plus ou moins hydratés (ex. nesquehonite, dypingite, hydromagnésite) piégeant ainsi le CO2 atmosphérique (minéralisation ex-situ du CO2) tout en concentrant les métaux critiques. Le projet CO2Met (Coupler le stockage du CO₂ et la récupération des métaux critiques pour la transition énergétique), porté par Pascale Benezeth a donc pour objectif général d’acquérir des données expérimentales démontrant la capacité des minéraux carbonatés magnésiens à séquestrer et immobiliser certains métaux critiques (Co, Cr, Cu, Ni, etc.) via la carbonatation ex-situ à basse température de résidus miniers ultramafiques riches en magnésium. Lors de mon post-doctorat, je me suis concentrée sur la relation entre le cuivre et les carbonates de magnésiums hydratés au travers d’expériences de co-précipitation et d’adsorption en conditions contrôlées de laboratoire. Ces expériences ont permis de précipiter un carbonate de magnésium riche en cuivre, la mcguinnessite (voir image MEB ci-dessus) qui a également été échantillonnée sur le site minier Monte Ramazzo en Italie1.
[ISIFoR] Quel est ton parcours ?
[Léna] J’ai réalisé l’ensemble de mes études à l’Université de Bordeaux. J’ai commencé par une licence en Sciences de la Terre, où j’ai développé une vraie passion pour la géologie, et plus particulièrement pour les minéraux. Je commence d’ailleurs à manquer de place sur mes étagères pour ma collection. Après ma licence, j’ai poursuivi avec un master en Sciences de la Mer, c’est à ce moment que j’ai découvert la géochimie et que j’ai su que c’était dans ce domaine que je voulais me spécialiser. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai eu l’opportunité de réaliser une thèse que j’ai soutenue en 2022, dans l’équipe d’accueil 4592 « Géoressources et Environnement » (qui a récemment fusionné avec l’UMR CNRS 5805 EPOC de l’Université de Bordeaux). Cette thèse, encadrée par Adrian Cerepi et Corinne Loisy, en partie financée par le Carnot ISIFoR (suite du projet Aquifer-CO2-Leak) portait sur la dynamique des éléments traces lors d’une fuite de CO₂ dans un aquifère carbonaté d’eau douce peu profond et l’impact engendré sur la qualité des eaux dans un contexte de séquestration géologique de CO2. J’ai ensuite rejoint l’équipe de Géosciences Expérimentales du laboratoire GET de Toulouse où j’ai continué à travailler sur les relations métaux-carbonates grâce au projet CO2MET.
[ISIFoR] Quelle avancée/découverte scientifique te fait rêver ?
[Léna] En lien avec ma carrière scientifique, il s’agit des avancées dans le domaine de la séquestration du CO₂ qui m’intéressent particulièrement, car c’est un enjeu crucial pour l’avenir de notre planète. Trouver des solutions efficaces pour capturer et stocker durablement ce gaz à effet de serre est vital pour lutter contre le changement climatique. Sur un plan plus personnel, je m’intéresse également de près aux progrès scientifiques dans le traitement de certaines maladies. Les découvertes dans ce domaine peuvent transformer des vies et je trouve incroyable de penser aux espoirs que la science peut apporter en termes de santé.
Références :
- 1 Mine Monte Ramazzo : https://www.mindat.org/loc-2076.html