Prévenir la corrosion avec les peptides [Corinne Nardin]

Carnot ISIFoR Peptides biosinpiration biocorrosion biohybride IPREM UPPA

Corinne Nardin

En 2019, le projet PEPC (Peptides antimicrobiens et biocorrosion) ressourcé par le Carnot ISIFoR et porté madame Corinne Nardin (professeur à l’UPPA – IPREM) en collaboration avec MM. Hervé Martinez (IPREM), Pierre Cézac (LaTEP) et Anthony Ranchou-Peyruse (IPREM) était lancé. Centré sur les problèmes de biocorrosion qui impactent de nombreux secteurs industriels (occasionnant par là-même des pertes financières considérables) PEPC s’inscrivait dans une démarche visant à prévenir ce problème. Cette démarche avait pour objectif de créer un matériau biohybride afin de faire barrière et de prévenir la biocorrosion.
Ce passionnant projet mettait donc en présence le Vivant et les matériaux dans une perspective industrielle. Corinne Nardin revient, fin février 2023, plus en détail sur PEPC et ses développements actuels.

[ISIFoR] Est-ce que PEPC vient de recherches plus anciennes ou s’agissait-il d’une nouvelle piste que vous avez élaborée en 2018 ? 

[Corinne Nardin] PEPC est le résultat de connaissances acquises dès ma formation à l’Université Louis Pasteur de Strasbourg (diplôme de Physique de la matière condensée obtenu en 1998) et de mon parcours professionnel. Dès mes études, j’ai été sensibilisée par mes enseignants au potentiel d’une synergie entre matériaux et le Vivant. Toutefois, jusqu’à ma nomination à l’UPPA (en 2015), mes recherches s’appliquaient à la biologie et au domaine de la santé. L’UPPA et l’IPREM se focalisant principalement sur les problématiques dans les domaines de l’énergie et de l’environnement, un des liens le plus évident pour moi a été de m’intéresser au phénomène de biocorrosion. Il est en effet fatal pour la santé lorsqu’il concerne un implant et d’intérêt socioéconomique dans les domaines de l’énergie et de l’environnement : les solutions actuelles ne sont non seulement pas pérennes, et donc de coût élevé, mais surtout dangereuses pour la santé humaine et environnementale.

 

[ISIFoR] Le développement de ce projet a-t-il suivi le « plan » que vous imaginiez ? et ses résultats ont-ils été ceux que vous attendiez ?

[Corinne Nardin] Malheureusement, le travail expérimental sur ce projet d’une année, conduit par Messieurs Xavier Calliès et Mohammed Abdelfetah Ghriga, a énormément souffert de la pandémie de Covid19 : les laboratoires n’étaient pas accessibles pendant plusieurs mois puis, progressivement, de façon limitée. Les résultats préliminaires du projet PEPC nous ont toutefois permis d’obtenir le soutien du pôle Physico-Chimie des surfaces et Matériaux polymères (PCM) de l’IPREM puis du Carnot ISIFoR en 2021 pour continuer à mener ces études expérimentales conduites actuellement par Madame Viktoriia Drebezgohva et en collaboration avec Susana Fernandes de Matos, Jean-Charles Dupin, Pierre Cézac et Anthony Ranchou-Peyruse (enseignants-chercheurs à l’IPREM). Ce projet BAMBA est la suite de PEPC : (Bio)Corrosion : Approche MAtériaux non Bactéricides.

 

[ISIFoR] PEPC établit en une relation entre : d’une part les matériaux et d’autre part le Vivant qui vient les « protéger ». Un tel rapprochement pourrait presque paraître étonnant, est-ce une nouveauté dans votre discipline ou une piste de recherche déjà parcourue de nombreuses hypothèses ?

Carnot ISIFor Peptides biosinpiration biocorrosion biohybride IPREM UPPA[Corinne Nardin] Comme mentionné plus haut, l’étude de l’interaction entre les matériaux et le Vivant n’est pas récente. L’appliquer au phénomène de biocorrosion dans les domaines de l’énergie pour préserver notre santé et celle de notre environnement est plus récent. Ce qui est étonnant à mes yeux est que d’adapter les approches développées dans le domaine de la santé à ceux de l’énergie et de l’environnement n’est pas courant. Dans une certaine mesure, je pense qu’il ne s’agit pas d’une question de coût mais d’échelle : la taille d’un implant dentaire comparée à celle d’une canalisation utilisée en géothermie peut effrayer. Cependant la réglementation européenne nous demande d’identifier et de proposer des solutions respectueuses de notre environnement et de notre santé.

[ISIFoR] Ce projet vous a permis de vous rapprocher et d’initier des liens avec des industriels. Pouvez-vous nous dire comment de tels liens se tissent et de quelle manière ils se sont développés ?

[Corinne Nardin] Il est important à mes yeux de rencontrer les personnes pour initier ces liens que vous mentionnez. Ça peut arriver par accident, comme avec Monsieur Stéphane Ménios (Safran Landing System) a qui j’ai proposé au détour d’un couloir de l’Université de Strasbourg où j’étais en congé recherche l’année dernière de me rendre visite à l’IPREM à mon retour à l’UPPA à la rentrée 2022, ce qu’il a aimablement accepté. Le Carnot ISIFoR, de par l’intermédiaire de Pierre Gohar (directeur des relations industrielles au sein de l’association des Instituts Carnot), que je tiens particulièrement à remercier, est l’instigateur direct de ma mise en relation avec Monsieur Christophe Maertens (Tarkett). Dans les deux cas, il y a un intérêt de ces deux groupes à innover par la bioinspiration. Les liens se tissent alors en apprenant à identifier les problématiques de chacun, en particulier le temps et le coût des activités de recherche et développement. Il essentiel également d’instaurer une collaboration en toute confiance. Enfin, comme il est de ma responsabilité en tant qu’enseignant-chercheur de former nos étudiants, le parcours matériaux bioinspirés du master sciences et génie des matériaux, dont je suis responsable avec Laurent Billon, est le terrain de jeu idéal pour instaurer non seulement cette collaboration en toute confiance mais surtout pour confronter les futurs jeunes chercheurs aux problématiques, à la fois académiques et industrielles, via des projets tutorés. J’aime à croire que ces projets conduiront à des liens durables.