Du Radon 222 pour cartographier la pollution des sols [Grégory Cohen]
Faisant le constat qu’après un siècle et demi d’activités industrielles, parfois très intensives, beaucoup de terrains se trouvaient aujourd’hui contaminés par des phases organiques, Grégory Cohen (chercheur au laboratoire EPOC) mène depuis plusieurs années des recherches qui permettront, à terme, de cartographier ces zones en vue de leur dépollution.
À l’origine situées à la périphérie des villes, ces zones sont à présent prises dans des structures urbaines en perpétuelle expansion. Il faut maintenant dépolluer ces parcelles et ces friches mais les techniques existantes (forages, monitoring de Composés Organiques Volatils – COV…) sont difficiles à mettre en place, chronophages, parfois imprécises et souvent onéreuses. Explorant les pollutions par les hydrocarbures ou les liquides en phase non aqueuse, qui représentent une part importante de ces contaminations, Grégory Cohen a constaté que le Radon 222 pouvait permettre une cartographie fine et précise de tels endroits.
Voici le point que ce chercheur dresse sur son travail, à l’heure où les besoins d’analyse de la qualité des sols (agricoles, habitats, industriels) n’ont jamais été aussi grands.
[ISIFoR] Quelle est la genèse de tes projets ?
[Grégory Cohen] A l’origine, j’avais mené une étude sur un site industriel ferroviaire afin de caractériser la capacité de délimitation de zones contaminées en phase organique flottante par l’étude des gaz du sol. Au cours de ces investigations menées pour un consortium d’industriels, les COV, l’oxygène, le CO2, le méthane et le Radon-222 avaient été suivis. Ces quatre premiers analytes avaientété sélectionnés car ils pouvaient être des indicateurs de la présence de ces phases organiques ou de leur dégradation. Le radon-222, élément radioactif quasiment ubiquiste dans les sols, avait été sélectionné car il a la particularité de se dissoudre dans les phases organiques, ce qui en fait un indicateur intéressant.
[ISIFoR] Est-ce que le Radon 222 s’est imposé d’emblée comme étant le meilleur marqueur des sols contaminés ?
[Grégory Cohen] Pas vraiment… Le site en question présentait de nombreuses hétérogénéités ce qui a rendu l’interprétation des résultats sur le radon-222 complexe mais cet indicateur semblait prometteur. En effet, plusieurs études avaient déjà mis en avant l’intérêt du suivi de cet élément pour délimiter et quantifier les contaminations en phase organique dans les sols mais elles s’étaient toutes limitées à des milieux homogènes, assez rares dans les milieux naturels ou anthropisés. J’ai donc entrepris de mener des études sur des milieux hétérogènes pour investiguer les capacités de cet outil pour des milieux se rapprochant davantage de la réalité.
[ISIFoR] Où en est ta recherche aujourd’hui ? quelles en sont les prochaines étapes ?
[Grégory Cohen] Suite à ces recherches, un code numérique modélisant les écoulements en zone saturée et non saturée (MIN3P, développé par des chercheurs canadiens à Vancouver) a été amélioré en intégrant les propriétés chimiques particulières du radon-222 en terme de production, de partage et de désintégration dans les différents fluides contenus dans les milieux poreux. Cette nouvelle version du modèle a été confrontée à un modèle analytique pour les cas les plus simples et à des expériences en laboratoire pour des cas plus complexes (milieux hétérogènes contaminés et non contaminés). La validation de ce modèle a permis de poursuivre mes investigations sur les capacités et limites de cet outil, par exemple en étudiant l’influence de la dégradation de phases organiques (essence et diesel) sur la capacité de dissolution du radon-222. Cependant, l’applicabilité de ce modèle reste partielle dans la mesure où ce code ne gère pas de vraies phases organiques, ce qui limite son utilisation pour des cas réels. C’est donc la prochaine étape de ma recherche, améliorer un modèle qui traite les phases organiques dans les milieux poreux en intégrant la chimie du radon-222 afin de pouvoir tester cet outil pour des cas toujours plus complexes et se rapprochant davantage des conditions réelles.
[ISIFoR] Est-ce que l’aide du ressourcement ISIFoR a accéléré un projet déjà existant ou bien est-il venu lancer une recherche nouvelle ?
[Grégory Cohen] La participation du Carnot ISIFoR a été primordiale puisqu’elle a permis de lancer et, avec l’aide de l’IdEx de Bordeaux, de développer ces recherches au cours de trois projets : SERAHC (2016), POLIMORPH (2019) et ARMUR (2022). Ceci s’est traduit principalement par l’emploi de post-doctorants pendant 3 années, l’acquisition du matériel nécessaire aux expérimentations et de prendre en charge les différents frais liés à ces recherches.
G. J.V. Cohen, I. Bernachot, D. Su, P. Höhener, K.U. Mayer, O. Attei ; « Laboratory-scale experimental and modelling investigations of 222 Rn profiles in chemically heterogeneous LNAPL contaminated vadose zones », in Science of the Total Environment, 681 (2019), pp. 456-466.
G. J.V. Cohen, F. Jousse, N. Luze, P. Höhener, O. Atteia ; « LNAPL source zone delineation using soil gases in a heterogeneous silty-sand aquifer » ; in Journal of Contaminant Hydrology, 192 (2016), pp. 20-34.
Pour contacter M. Cohen, cliquez ici.