Viktoriia Drebezghova : post-doctorante sur la trace des mollusques pour lutter contre la corrosion et les bactéries
Viktoriia Drebezghova est post-doctorante à l’UPPA où elle a soutenu sa thèse en Physique des polymères en décembre 2021. Elle travaille à présent sur un projet ressourcé par le Carnot ISIFoR qui vise à réaliser des matériaux biosourcés protégeant les métaux de la corrosion. Nous la rencontrons aujourd’hui pour évoquer son parcours, ses recherches et la passion qui l’anime.
[ISIFoR] Quel est ton premier souvenir de science ?
[Viktoriia Drebezghova] Pendant les cours préparatoires pour l’entrée à l’Université, mon professeur de Physique avait une approche pédagogique excellente : quand il fallait résoudre un problème il nous montrait l’immense possibilité des algorithmes, même si un algorithme de résolution était volontairement complexifié et prenait des heures. Le moment qui m’a le plus marqué c’était quand je lui ai dit que j’avais oublié une formule dont j’avais besoin pour un exercice, ce à quoi il a répondu très sérieusement « Dans ce cas établi-là ». Au bout d’un moment j’ai compris qu’il n’existait pas un seul algorithme correct et qu’il ne fallait pas apprendre par cœur toutes les formules. Tout ce dont nous avons besoin c’est un papier, un crayon, quelques connaissances de base et une analyse approfondie des informations disponibles. Je pense que ces cours m’ont donné un goût des sciences et m’ont fait développer l’esprit critique indispensable dans la recherche.
[ISIFoR] Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
[Viktoriia Drebezghova] Actuellement, je travaille sur un projet intitulé Biocorrosion : Approche matériaux non bactéricides ou tout simplement BAMBA. Notre projet vise à réaliser un revêtement à partir de matériaux biosourcés capable de protéger les métaux de corrosion induite par les bactéries spécifiques. Ces matériaux ont une très forte chance de venir remplacer les biocides actuels qui sont ciblés par la législation REACH et seront bannis dans les années à venir.
Dans mon quotidien je produis les revêtements en chitosan, dérivé d’une molécule issue de squelettes de mollusques sur deux types des métaux et j’étudie leur stabilité et l’efficacité antibactérienne et anticorrosive. Etant donné que ce biopolymère est issu d’une source renouvelable, son utilisation pourra avoir un impact socioéconomique indéniable sur le long terme.
[ISIFoR] Quel est ton parcours ?
[Viktoriia Drebezghova] Après d’avoir eu ma licence en Physique des Matériaux condensés en Ukraine, mon pays d’origine, j’ai été acceptée à l’Université du Mans. J’ai donc poursuivi mes études en Master, option Physique des Nanomatériaux en France. Après avoir obtenu mon diplôme de Master j’ai voulu faire une thèse et je suis tombée sur un sujet qui englobe la Physique des polymères et la Microbiologie qui a suscité mon grand intérêt bien que cela m’ait conduit à changer de domaine. Le but principal de ma thèse était d’étudier la réponse bactérienne aux propriétés physiques des élastomères en silicone (dureté, topographie) utilisés dans le secteur biomédical. Quand j’ai obtenu le grade de docteure ma directrice de thèse Corinne Nardin m’a proposé un projet que j’ai accepté sans hésitation et sur lequel je travaille actuellement.
[ISIFoR] Quel progrès/découverte scientifique te fait rêver ?
[Viktoriia Drebezghova] Je suis passionnée par le biomimétisme. Beaucoup de gens connaissent les exemples du biomimétisme comme les bandes Velcro, le train japonais Shinkansen, les éoliennes silencieuses, une surface adhésive inspirée par les pattes du gecko. Les propriétés du monde vivant nous inspirent beaucoup dans les découvertes, les solutions techniques et les innovations. Par exemple, pendant ma thèse j’ai étudié l’activité antibactérienne des surfaces avec les certains types de topographies. Il existe un bon nombre d’études qui présentent les surfaces qui sont mortelles pour les bactéries rien qu’avec leur topographie inspirée des ailes de cigale. Donc, maintenant, il ne reste qu’à atteindre l’échelon industriel pour ce type de surface. Nous pouvons rendre une bactérie fluorescente grâce à une protéine issue d’une méduse, faire une surface superhydrophobe avec la même texture que celle d’une peau de requin, rendre une surface bactéricide en imitant la surface des ailes de cigale. Et ce n’est que le sommet de l’iceberg ! Il y a fort dynamisme des recherches en biomimétiques de nos jours cela me fait rêver à l’immense quantité de découvertes inspirées par le génie de la Nature qui serviront à l’Homme et qu’il est presque impossible à imaginer aujourd’hui.
Enfin, je vois cela comme un moyen de passer aux prouesses technologiques moins énergivores aussi bien qu’à l’énergie complètement renouvelable vu que les sources d’énergie actuelles, en grande partie non-renouvelables, ne sont pas inépuisables.
Contact – viktoriia.drebezghova@univ-pau.fr